jeudi 19 mai 2011

Guy Josué Foumane : « Écrire des enquêtes 100% africaines »


L'auteur du roman de police scientifique «Les disparus d'Abomé» explique l'idée de la collection de polar qu'il lance.


Comment en arrive-t-on à écrire un polar scientifique d’une telle force ?

Je crois qu’une très forte passion pour ce genre littéraire est primordiale. Il y a aussi le flair, le génie de l’écrivain, une certaine aptitude naturelle à observer, mémoriser et surtout à savoir restituer les aspérités, ambigüités et complexités de nos cultures africaines, réputées pour leur loufoquerie, leur côté fantasque, quasi-irrationnel. L’Afrique est en effet le terrain par excellence de tous les extrêmes, des croyances les plus folles, des faits divers aussi sordides que sanglants. Ce j’ai cherché à proposer avec ce roman, c’est un savant «télescopage» entre des techniques d’investigations très avant-gardistes, et l’inadéquation entre celles-ci et nos sociétés, où les replis identitaires, religieux et culturels restent très fortement marqués. Comme vous le voyez dans le livre, on en arrive à un contexte très captivant qui, j’y compte bien, œuvrera à l’émergence d’un vrai «suspense africain».

«Les disparus d’Abomé » inaugure-t-il une série ?

Absolument! Vous savez que la production audiovisuelle coûte cher. Et plus encore un genre novateur comme celui-ci, où il est question d’enquêtes scientifiques 100% africaines, de trafics en tout genre, de meurtres, de tirs à l’arme à feu, de cascades diverses. Il était question à l’origine de lancer une série télé, projet d’ailleurs toujours en cours de développement. Mais il m’est apparu primordial de préparer les consciences à l’avènement de cette série, en recadrant le concept dans une collection de romans à paraître. La collection de romans d’action et de suspense «AIA» relate les enquêtes de ces agents, tous Africains, expérimentés, consciencieux, déterminés, bien équipés, courageux et intrépides, qui ne connaissent point de frontières et traitent au même pied d’égalité les victimes de toutes classes sociales. Le principe de la collection est de changer de pays africain à chaque tome en privilégiant un fait divers sordide et une ligne narrative qui, bien qu’en adéquation avec une certaine homogénéité de la collection, collera aux réalités, la psychologie et les us et coutumes du milieu, qu’elle se plaira à explorer. Ainsi, pour les 54 pays africains, il est prévu la publication de 54 romans, avant que le cycle ne recommence à zéro.

Vous êtes scénariste-dialoguiste et réalisateur. Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire des agents de l’AIA à travers un polar, scientifique de surcroît ?

Le fait est que quand vous écrivez, vous n’avez pas de limites, vous pouvez tout vous permettre, c’est presque jouissif, si j’ose dire. Ce qui est difficile ou impossible à tourner en cinéma ou en télévision, vous pouvez l’écrire, le détailler au maximum, lui donner la substance que vous voulez. C’est tout simplement génial. Pourquoi un polar scientifique? D’abord parce que le genre a le vent en poupe en ce moment dans toutes les régions du monde, et qu’il était hors de question que nous autres soyons en reste. Ensuite, parce que l’Africain en général, raffole jusqu’à l’obsession de romans d’espionnage et de polars à sensation qui très souvent déboulent de l’Occident, s’identifiant ainsi à des héros et personnages qui n’ont, pour la plupart, strictement rien à voir avec ses réalités à lui, ses réflexes, subtilités, conceptions de la vie et visions du monde. Ainsi, face à la rareté dans nos kiosques et rayons de librairies de littératures équivalentes «100% made in Africa», j’ai pensé qu’un polar scientifique bien de chez nous, même s’il parait pour l’instant en un peu avance sur notre temps, peut trouver son public, pour peu qu’il jouisse d’histoires et de contextes crédibles. Bref, il était plus que jamais temps qu’un africain s’empare de ce marché.

Quel a été l’accueil du public – camerounais surtout – à la sortie de ce roman ?

En France et en Suisse où le livre est déjà sorti, nous vivons un véritable «Tsunami» d’accueils favorables! L’AIA fait jusqu’ici une totale unanimité, pour preuve, tous les premiers stocks ont été vendus et mon éditeur est tout le temps en retirage. J’ai été convié à de prestigieuses séances de dédicaces à la librairie du Musée Quai Branly à Paris, au Salon du Livre de Paris porte de Versailles, le plus important du monde, et très récemment, au salon international du livre de Genève. À toutes ces étapes, tous les exemplaires ont été emportés, majoritairement par les diasporas africaines, dont de très nombreux camerounais.

J’ai eu la surprise de recevoir la visite de quelques uns de nos diplomates, désireux de se faire dédicacer un exemplaire. Dans l’intervalle, je dédicace abondamment en libraire, vu que rien qu’à Paris, 17 librairies vendent le roman, qui est également disponible dans toutes les FNAC d’Europe et à la vente en ligne sur les sites très populaires comme Amazon.fr. Je suis aussi régulièrement invité à Paris et Genève à des conférences sur le polar, pour partager ma vision africaine du genre.

Outre l’Afrique, nous ciblions au départ les groupes d’immigrés africains, et quelle n’a pas été notre surprise de voir un public occidental se jeter sur le livre, par désir de découverte sans doute, ou pour se changer un peu des réalités de chez eux ! Le roman n’est pour l’instant pas disponible au Cameroun, mais l’éditeur prépare une large distribution africaine. Toutefois, il peut être trouvé en libre lecture aux librairies des centres culturels français de Yaoundé et Douala, qui ont récemment achetés quelques stocks à Paris.

Propos recueillis par S.D.


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