Le plagiat et la publication de nouvelles non vérifiées sont légion, dans un contexte camerounais marqué par la précarité des sites d'information.
La 20ème édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse s'est célébrée hier, 03 mai 2011. Le thème retenu par l'Unesco est : « Les médias du 21ème siècle : nouvelles frontières, nouveaux obstacles ». Internet et les nouveaux médias sont donc à l'honneur cette année, au Cameroun comme ailleurs, parmi lesquels la presse cybernétique. Occasion de faire la lumière sur son fonctionnement.
Problèmes, dérives
Les problème de la presse en ligne sont énormes: accès limité au réseau, faiblesse des connexions, faible rentabilité, faiblesse des ordinateurs utilisés, précarité, manque de moyens financiers et humain, rareté des annonceurs, matériel désuet et inadapté... Certains promoteurs de site d'information ne possèdent même pas d'ordinateur et doivent travailler dans des cybercafés.
«Il y a beaucoup de plagiat », reconnaît par ailleurs Olga Tiyon, promotrice de goducamer.com. Car, plusieurs sites se contentent de relayer les informations piquées, pour la plupart, sur les sites web des quotidiens. Olga Tiyon confirme : « la plupart des scoops sont découverts sur le net et publiés. Dans un souci de déontologie, nous essayons de toujours vérifier avant de publier. Mais les dérives ne sont jamais loin dans la course à l'information ».
L'Union des cyberjournalistes du Cameroun (Ucc) a recensé plusieurs dérives de la presse en ligne, parmi lesquelles l'ouverture des sites aux internautes. Ceux-ci peuvent y publier non seulement des commentaires, mais aussi des reportages et des chroniques. Secrétaire général de l'Ucc, Beaugas-Orain Djoyum explique que « l'époque où les lecteurs étaient de simples consommateurs passifs de l'information est révolue. L'internaute est un destinataire qui peut aussi être un émetteur. A ce titre, il peut tenir des propos injurieux, diffamatoires ». A titre d'illustration, l'on se souvient que camer.be avait été suspendu en janvier 2011 par son hébergeur pour un « message de haine » publié par un internaute. Pour éviter ce genre d'incident, l'Ucc recommande aux sites d'information de se doter de modérateurs.
Suspicion des pouvoirs publics
Les dérives de la presse en ligne ne sont pas de nature à créer la confiance avec les pouvoirs publics. Dans son livre intitulé « Internet et la presse en ligne au Cameroun : naissance, évolution et usages », paru en 2010 chez L'Harmattan, Ingrid Alice Ngounou, par ailleurs promotrice du site journalducameroun.com, affirme que la presse en ligne au Cameroun émerge dans un contexte marqué par la suspicion et la méfiance des autorités qui ont du mal à la circonscrire et à la contrôler. En février 2011, au cours d'un point de presse, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a qualifié cette presse de « redoutable ». Même si, depuis 2002, la presse en ligne bénéficie de l'aide publique à la communication privée. En 2010, le Mincom a ouvert un fichier national de la presse cybernétique pour un recensement général.
Stéphanie Dongmo
Interview
Baba Wame: «Il n'existe pas de cadre juridique au Cameroun»
Enseignant en cyberjournalisme et président de l'Union des cyberjournalistes du Cameroun, il dresse un état des lieux inquiétant de la presse en ligne au Cameroun.
Quelle est la situation de la cyberpresse au Cameroun?
La cyberpresse est le parent pauvre et délaissé de la presse au Cameroun. C'est un doux euphémisme que de dire que sa situation est chaotique. Elle n'existe que par la volonté de quelques mécènes et, très souvent, elle est une sorte de journalisme d'appoint pour des journalistes qui exercent dans la presse écrite et audiovisuelle. Elle souffre surtout du manque de formation. A ce jour, hormis l'Esstic au Cameroun, aucune institution universitaire ne forme des cyberjournalistes.
Les cyberjournalistes vivent dans la précarité la plus absolue. Leurs matériels de travail, à savoir les ordinateurs et les logiciels, sont très souvent obsolètes. Dans certains journaux, ceux qui s'occupent des sites d'appoint sont considérés comme des journalistes de seconde zone et parfois ce travail est dévolu à un informaticien.
Existe-t-il un cadre juridique au Cameroun?
Il n'existe pas de cadre juridique. Pour le moment, c'est un no-man land. On y retrouve tout et n'importe quoi. Une loi sur la cybercriminalité et la cybersécurité a été adoptée en décembre 2010. Mais c'est une pseudo-loi qui est visiblement un copier-coller de la loi française sur la cyberpresse. Elle met plus en exergue l'aspect technique de la cyberpresse que son contenu. Une loi comme celle-ci devrait être le résultat d'un travail collégial entre le ministère des Postes et télécommunications, celui de la Communication et certains partenaires institutionnels ainsi que les associations de cyberjournalistes. De toute évidence, cette loi a été proposée principalement par le ministère des Postes et télécommunications.
A l'Union des cyberjournalistes du Cameroun (Ucc), vous avez recensé les dérives de la presse en ligne. Quelles sont-elles ?
L'un des objectifs majeurs de l'Ucc est la sensibilisation des confrères face à certaines dérives dans la presse en ligne. La première est déontologique et concerne la vérification de la source. La course au scoop fait très souvent oublier aux cyberjournalistes que l'information en ligne obéit aux mêmes règles que le journalisme traditionnel. Les autres dérives sont généralement celles du droit d'auteur, autant pour les images que pour les contenus textuels.
Combien de sites d'information compte-t-on à ce jour ?
L'Union des cyberjournalistes du Cameroun a dénombré un peu plus de 140 sites d'information en ligne dédiés au Cameroun. Sur les 140 sites, moins de cinq sont effectivement des sites d'information, dans le sens académique du terme. Car, pour mériter le sceau journal en ligne, il faut au minimum disposer d'une rédaction online.
Propos recueillis par S.D.
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