Enseignante de littérature spécialisée dans le polar, elle explique pourquoi le genre reste peu développé au Cameroun.
C'est quoi le roman policier?
La définition du genre policier laisse entendre cette forme littéraire comme étant le récit du meurtre et de la terreur, l’écriture du mystère et de l’énigme. Il met en scène la mort à travers des types que sont le criminel, la victime et le détective (ou l’enquêteur). Ces trois personnages fondamentaux vont donc occuper, dans un dosage alterné et très varié, la scénographie du texte, selon le choix de l’auteur et au regard du point de vue que l’intrigue veut faire valoir. Notons que lorsque le roman policier explose au milieu du XIXe siècle en Occident, bien des formes de cette littérature en avaient déjà, longtemps auparavant, préparé l’éclosion. A titre de rappel, le premier criminel de l’humanité est Caïn.
Existe-t-il un genre policier dans la littérature camerounaise ?
Le roman policier est un roman de la gestion de la ville, en particulier de l’existence des grandes agglomérations qui amènent le brassage des populations d’origines diverses, des mentalités, des niveaux d’éducation et de morale souvent radicalement variés. Ce type de romans parle de l’insécurité, de la violence et de la banalisation de la vie. Aussi, je suis certaine que l’évolution économique et démographique de nos villes africaines qui va, sans doute et malheureusement, apporter ces tares, fera éclore davantage le genre. J’en veux pour preuve les deux derniers romans de Mongo Beti, «Trop de soleil tue l’amour» (Julliard, 2000) et «Branle-bas en noir et blanc» (Julliard, 2002). Ils proposent des fresques hallucinantes faites de mystères, de morts suspectes, d’enlèvements et d’abus de toutes sortes qui prévalent dans nos villes africaines.
Qu'est-ce qui explique le manque d'engouement des écrivains camerounais pour le polar ?
On ne saurait, sans abus, parler d’un manque d’engouement. Il existe de plus en plus d’auteurs camerounais et africains qui s’intéressent au roman policier. De plus en plus aussi, ce genre passe de la périphérie pour entrer dans la sphère des genres majeurs que l’on étudie dans les milieux scolaires et universitaires. Ce qui est étonnant est que beaucoup d’auteurs, et même de lecteurs, affichent un certain mépris ou snobisme face à ce type de romans, alors que, dans le fond, ils aiment bien les intrigues telles qu’illustrées dans cet art. La preuve en est la passion que nous éprouvons pour le roman policier lorsqu’il est mis en scène par le 7è art. C’est une tricherie qui ne dit pas son nom. Les auteurs exploitent, sans le dire ouvertement, les ficelles du récit policier, afin d’accroître le suspens et le plaisir de lire, et les lecteurs aiment à être embarqués dans une histoire captivante, prenante dans le même ton. C’est un genre marginalisé que l’on aime en cachette, de peur d’être traité de vulgaire ou d’adepte de mauvais romans...
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo
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