Dans son dernier ouvrage, le cardinal Christian Tumi invite le chef de l'État à promouvoir l'alternance politique au Cameroun.
Après «I have a dream», le célèbre discours de Martin Luther King en 1963, le cardinal Christian Tumi fait à son tour un rêve. Il rêve d'un Cameroun nouveau où les vertus chrétiennes auront droit de cité. Ce qu'il croit, l'archevêque émérite de Douala l'a consigné dans un livre qu'il vient de publier aux éditions Véritas. «Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf» a été dédicacé mercredi dernier à 15h à l'hôtel Djeuga palace, à Yaoundé.
Dans cet ouvrage, l'auteur fait l'autopsie des maux qui minent notre pays : la mauvaise gestion, la démocratie tâtonnante, les droits humains bafoués, le non-respect de la personne humaine, la corruption endémique... Sur la mauvaise gestion, le cardinal Tumi, avec son franc-parler habituel, affirme que tout ce qui a été volé doit être remboursé par le coupable ou ses héritiers. Car, pour lui, il ne suffit pas d'interpeller les gens, il faut surtout récupérer les sommes détournées (voir bonnes feuilles). Contre la corruption, il a une solution : la mise en application de l'article 66 de la Constitution sur la déclaration des biens et la création d'une commission électorale indépendante.
Assimilation culturelle
Par ailleurs, l'auteur qui, après ses études au Nigéria, a commencé son ministère pastoral à Fiango, près de Kumba, dans le Sud-Ouest, en 1966, dénonce les inégalités entre la minorité anglophone et la majorité francophone. Au passage, il accuse la France d'organiser l'assimilation de la culture anglophone au Cameroun. Un autre mal relevé ici est l'absence de la démocratie qui, jusqu'ici, a été une «piteuse mise en scène» au Cameroun. Avec une assemblée nationale inerte, une administration publique qui se sert au lieu de servir, des partis politique de l'opposition qui n'ont pas le courage de s'exprimer, une société civile faible. Le bon pasteur affirme qu'une véritable démocratie est pourtant possible au Cameroun. Elle passerait par une alternance politique sans heurts qui ne dépend que du chef de l'Etat, lui qui «a concentré tous les pouvoirs entre ses mains».
Son crédo social ? Tumi l'indique en plusieurs points : l'autorité qui ne recherche pas le bien commun de ceux qu'elle gouverne perd sa légitimité et doit être démocratiquement écartée du pouvoir ; ceux qui nous gouvernent doivent savoir qu'ils ont affaire à des êtres doués d'intellect et de volonté... Contrairement à Bernard Muna (''Dieu, le politicien'', 2010) qui soutient que le peuple n'a que le gouvernement qu'il mérite, le cardinal Tumi croit que les Camerounais méritent mieux. Les deux auteurs s'accordent cependant à dire que toute autorité vient de Dieu et appellent les chrétiens à prier pour qu'il leur accorde des dirigeants vertueux.
Un Cameroun nouveau
Le prélat, auteur de l'essai «Les deux régimes politiques d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi» (Macacos, 2006) prône, au final, la construction d'un Cameroun nouveau, sur une fondation biblique. Car, «si le Seigneur ne bâtit pas une maison, c'est en vain que le maçon se donne du mal». Ce pays dont il rêve aura des citoyens nés de nouveau (dans le cœur et dans l'esprit), unis dans l'amour du travail, avec un minimum pour mener une vie digne.
A 81 ans, Christian Tumi n'invente pas la poudre et le sait. Mais, comme l'a dit Alain Didier Olinga dans «Propos sur l'inertie» (2009), «l'état de notre société actuelle accule l'intellectuel, au sens propre du terme, au moins à la parole éclairante». Aussi, Tumi a refusé de se taire. Dans la préface qu'il signe, l'archevêque de Yaoundé, Mgr Victor Tonye Bakot, affirme qu'il donne ainsi la preuve que sa retraite ministérielle, qu'il a prise en novembre 2009, est une chance qui lui est offerte pour donner corps à un projet de société qui n'est pas utopique : tout remettre à neuf.
L'élection présidentielle annoncée cette année pourra-t-elle engendrer ce Cameroun nouveau? Cela dépend uniquement du chef de l'Etat, répond en substance l'auteur qui prend le risque de prêcher dans le désert. Car, rien n'est encore gagné. Or, c'est à ce prix-là seulement que notre pays deviendra une nation.
Stéphanie Dongmo
Christian Cardinal Tumi
Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf
Editions Véritas
Mars 2011, Douala
271 pages
Prix : 6500 Fcfa
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire