Dans une exposition en cours au Centre culturel français de Yaoundé jusqu'au 9 juillet, l'artiste dresse un parallèle entre l'architecture urbaine délabrée de Douala et les coiffures soignées de ses populations.
Décidément, Boris Nzebo est hanté par la coiffure. Depuis 2009, il traite de ce sujet en peinture et en installation. Il vient de récidiver dans une exposition de peinture baptisée «Vil-visages», en cours dans le hall du Centre culturel français de Yaoundé depuis le 7 juin. Ces têtes qu'il a voulu vides, le peintre, par ailleurs vidéaste, les a projetées sur des squelettes de maisons. Celles de Douala, la ville où ce natif de Libreville vit depuis 1990. A priori, il n'y a aucun rapport entre ces deux éléments qui dominent ses toiles aux couleurs vives. Faux, répond Boris Nzebo pour qui « la coiffure est une architecture ».
Sur les 23 tableaux de l'exposition, on peut voir des maisons entourées de flaques d'eau, des routes crevassées ou encore des bâtiments collés les uns aux autres. Des coiffures soignées surplombent cette architecture urbaine passablement délabrée. Ces têtes de femmes, notamment, portent des cheveux assouplis, rasés, nattés ou tressés avec des rajouts, pour épouser le caractère cosmopolite de la ville. Mais elles ne sont pas seulement coiffées, ces têtes, elles sont aussi parées de bijoux. Des atours que Boris Nzebo semble affectionner, lui dont les colliers, les bracelets et les bagues forment le look. La couleur dominante de cette exposition est le rouge. Comme la couleur des ampoules des auberges, lieux de trafic incessant dans les quartiers populeux de Douala.
Maladie mentale
Ces têtes dessinées comme des sculptures à la gloire de l'élégance sont belles. Mais Boris Nzebo les dit viles. Il utilise la métaphore pour établir un parallèle entre un environnement sale et les coiffures soignées des personnes qui évoluent dans cet environnement. Car, pour lui, une coiffure est non seulement l'expression d'une identité et d'une esthétique, mais elle traduit aussi la construction mentale de la personne qui la porte. Boris Nzebo a commencé sa carrière en 1995 par la peinture publicitaire. L'ancien sérigraphie a ainsi eu l'occasion de dessiner souvent des têtes coiffées pour des enseignes de salons de coiffure. Aujourd'hui, il se sert de cette expérience comme d'un prétexte pour s'interroger : « Lorsque nos cheveux sont malades, nous les soignons. Mais notre environnement est malade et nous ne faisons rien ». Cette maladie dont parle le plasticien engagé n'est pas physique mais mentale. C'est la corruption et les détournements de fonds publics.
L'écriture plastique de Boris Nzebo tire sa source du pop art, mouvement artistique duquel il se réclame volontiers. Elle est cependant traversée par les influences de Koko Komegne, Hervé Yamguen et Goddy Leye, de regrettée mémoire, des plasticiens auprès desquels Boris Nzebo s'est formé par « copinage ». Le plasticien de 31 ans a voulu faire de «Vil-visages» le miroir de notre société actuelle où la beauté physique est en contradiction avec la moralité souillée. Lui qui porte des dreads locks, une coiffure considérée comme sale et négligée, semble poser la même question qu'une ancienne campagne publicitaire : « L'ordure, c'est qui ? » Ou mieux : la beauté c'est quoi ?
Stéphanie Dongmo
Félicitation Stéphanie pour tes articles sur la culture, en particulier sur le cinéma.
RépondreSupprimerBon vent et à très bientôt !
Charles Ayetan
www.charlesayetan.wordpress.com