mercredi 8 juin 2011

Norbert Tchana Nganté : «Tirer la profession par le haut»


Le président du Syndicat des journalistes employés du Cameroun (Sjec) explique la proposition de projet de loi présentée le 7 juin dernier à l'Esstic à Yaoundé.


Pourquoi une proposition de projet de loi en ce moment ?

Ce qui nous a motivé à penser à ce nouveau cadre juridique et légal de la presse au Cameroun, c'est qu'on a constaté qu'après la négociation et la signature de la convention collective nationale des journalistes et des métiers connexes de la communication sociale au Cameroun, son application devenait difficile. On s'est dit que la mise en route d'une convention seule ne suffisait pas. C'est pourquoi nous avons organisé un colloque international les 17 et 18 février 2010 à Yaoundé et, par la suite, les experts ont estimé qu'il fallait penser à un nouveau cadre juridique et légal.

Qu'est-ce qui devra fondamentalement changer ?

De manière ramassée, il y a la création des entreprises de presse et non des organes de presse, comme c'est le cas actuellement. Il faut que les entreprises de presse deviennent viables ; il faut une subvention institutionnalisée à la presse camerounaise et non plus l'aide à la communication qui prend les allures d'une affaire de copains-copains. Les entreprises de presse doivent se référer au système de l'Ohada. C'est-à-dire des sociétés anonymes à responsabilité limitée, avec la possibilité d'avoir dix journalistes actionnaires dans l'entreprise, ce qui va motiver davantage le personnel. Nous avons restreint un peu la définition de journaliste. C'est tout le monde qui rentrait dans ce fourre-tout et nous avons pensé à remettre le journalisme dans son contexte en distinguant le journaliste du journaliste professionnel. Par ailleurs, nous ne parlons pas de dépénalisation des délits de presse, mais de création d'une haute autorité de régulation des médias qui va veiller à la discipline au sein de l'organisation et à la pratique des valeurs universelles que sont l'éthique et la déontologie.

Vous prônez la création d'un organe de régulation alors que le débat actuel est celui de la dépénalisation des délits de presse. N'est-ce pas faire diversion?

Ce texte est une proposition, nous n'exigeons pas. Le Sjec a posé le problème aux partenaires que sont l'Union européenne à travers le Pasoc, qui a estimé que c'était une initiative louable. Nous avons alors mis sur pied des experts qui ont travaillé sur le projet. Maintenant, s'il y a d'autres associations ou organisations de journalistes qui peuvent compléter ce qui a été fait, c'est tant mieux.

Comment comptez-vous faire adopter ce texte par le gouvernement?

Notre souhait est que cela prenne la forme d'un projet de loi, c'est-à-dire que le gouvernement le soumette à l'Assemblée nationale. Nous avons saisi le Premier ministre. Sur son instruction, nous avons été reçu par le secrétaire général des services du Premier ministre le 27 mai dernier. Nous lui avons remis notre travail et il a apprécié. Maintenant, nous attendons. Une œuvre bien faite n'est jamais perdue et on espère que ça va aboutir.

Il y a déjà des textes qui régissent le fonctionnement de la presse et qui ne sont pas appliqués. La convention collective et l'accord de Florence sur les franchises douanières, par exemple. Votre proposition ne sera-t-il pas un texte de plus sans réel effet ?

Les patrons de presse estiment que le contexte socio-économique ne leur permet pas d'appliquer la convention collective. Ils évoquent, par exemple, cette non-application de la convention de Florence avec son protocole additionnel de Nairobi. Mais, nous estimons que cette convention n'est pas vraiment un blocage au traitement humain du journaliste. Parce qu'au fond, le gros des journalistes se trouve dans la presse audiovisuelle qui n'est pas concernée par la convention de Florence. Cette proposition d'avant-projet peut mettre un terme à toutes ces revendications et tirer la profession par le haut. Nous sommes sûrs que s'il est pris en compte par le gouvernement, les médias camerounais vont s'arrimer à la modernité.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire