Le directeur général de la Cinématographie nationale du Burkina Faso parle de la politique de relance du cinéma burkinabé, à l’occasion d’une réunion organisée par le Cinéma numérique ambulant Afrique à Cotonou les 17 et 18 janvier 2012.
Hema Djakaria |
Comment se porte le cinéma burkinabé ?
Notre cinéma se porte assez bien. Comme vous le savez, les cinématographies africaines font face, en ce moment, à des difficultés de financement et même de distribution de films. Il s’agit pour nous de relever ces défis afin d’acquérir une production importante au Burkina Faso. Nous avons élaboré une politique d’appui au cinéma qui est axée sur la formation. Cela nous a permis de créer quelques centres de formation tels que le studio-école qu’est l’Institut supérieur de formation à l’image et au son (Isis). Nous avons aussi créé une autre session qui fournit les cadres supérieurs et les cadres moyens. Cette session est logée à l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature. Il y a aussi des centres privés de formation que nous appuyons, comme le centre de Gaston Kabore, Imagine, qui apporte des formations à la carte et peut permettre aux producteurs et réalisateurs de concevoir leurs projets.
En dehors de la formation, nous avons une politique de soutien à la production qui s’est construite autour d’un appui matériel et en ressources humaines aux producteurs. Nous disposons d’une ligne financière qui vient en appui aux productions cinématographiques. Nous avons aussi un programme de soutien à l’exploitation cinématographique, construit autour du renforcement des capacités des gérants des salles de cinéma. De plus, nous avons mis sur pied un projet de rénovation de 13 salles de cinéma qui est à ses débuts et recherche des financements. Toutes ces activités, mêlées les unes aux autres, nous permet aujourd’hui de dire que le cinéma burkinabé se porte bien.
Combien de salle de cinéma fonctionnent au Burkina Faso ?
Nous avons actuellement 12 salles de cinéma qui sont en activités et qui programment régulièrement des projections, dont huit à Ouagadougou et quatre en province. De temps en temps, il arrive aussi que certaines salles de conférences soient transformées en salles de cinéma.
Par ailleurs, nous sommes fiers sur le plan de la formation. Nous disposons d’une ressource humaine technique compétente sur toute la chaîne de production cinématographique, c’est-à-dire que nous avons des directeurs photo, des ingénieurs de son, des régisseurs, des costumiers, des maquilleuses… Nous avons tout le personnel technique nécessaire pour produire un film aujourd’hui. Cela est dû au fait que l’Etat a voulu que le cinéma du Burkina Faso émerge un peu la tête de l’eau, parce que nous n’avons pas encore regagné les lauriers perdus des années 90 où le cinéma burkinabé brillait. Nous sommes progressivement en train de reconquérir l’espace perdu et je suis convaincu que le Bukina Faso pourra rayonner à travers son cinéma en Afrique et dans le monde entier.
Qu’est-ce qui explique cette perte de lauriers ?
Elle est due essentiellement au retrait progressif du soutien de l’Etat au secteur du cinéma. Au début des années 90, l’entrée de nos Etats dans les programmes d’ajustement structurel a fait que la culture a été écartée du processus de développement économique de nos Etats. Les Africains n’ont pas voulu faire de la culture une priorité par rapport à certains secteurs de base que sont l’agriculture et la santé, considérés comme essentiels. 10 ans après, les professionnels de la culture se sont plaints et ont revendiqué que la culture soit prise en compte dans tout projet de développement. Dieu faisant bien les choses, aujourd’hui, les pouvoirs publics ont compris qu’un peuple ne peut se développer que sur la base de sa culture propre. Je suis convaincu que le chemin du développement culturel vient d’être emboité et que l’émergence est pour bientôt.
Le Burkina Faso est un grand pays du 7ème art. Est-ce que le cinéma arrive à s’y positionner comme un véritable acteur du développement ?
Je ne dirai pas que le cinéma arrive à se positionner comme un acteur du développement, c’est un mouvement perpétuel. Mais le cinéma contribue progressivement au développement du pays et surtout à sa visibilité. Le Burkina Faso est connu à travers son cinéma. Le Fespaco est une fenêtre ouverte sur le pays, les acteurs du cinéma s’organisent. Il y a eu beaucoup de sociétés de production qui ont été créées grâce au numérique. Nous constatons un retour de la chose cinématographique à telle enseigne que le public a pris goût et débourse de l’argent pour voir des films africains. Aujourd’hui à Ouagadougou, si une salle programme un film américain dans une autre salle un film africain burkinabé, c’est cette dernière programmation qui aura le plus de monde. Ça, c’est réconfortant. Il y a dix ans, ce n’était pas le cas.
Peut-on parler d’industrie cinématographique au Burkina Faso ?
C’est assez complexe. On ne peut pas parler d’industrie avec une cinématographie qui ne produit que trois ou quatre longs métrages par an, qui n’a qu’une dizaine de salles et une petite portion de sociétés de production qui ne comptent que sur les subventions européennes. Une industrie cinématographique suppose de grands studios de production. Cependant, un maillon de l’industrie cinématographique est en train de naître. Je suis convaincu que nous arriverons à créer une petite unité de production à l’échelle nationale.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo
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