lundi 20 février 2012

Théâtre : Apologie de la désobéissance

La pièce « Un rat qui passe », mise en scène par Valérie Sarrazin, joue sur le mensonge et le dédoublement des personnages. Elle a été représentée vendredi dernier à l’Institut français de Yaoundé. 

Yaoundé, 17 février 2012 à l'Institut français. Ousmane Sali et Valérie Sarrazin dans les rôles de M. et Mme Bredumo.
 
C’est une fable qui a beaucoup d’humour, même si cet humour est noir. A la fin de la pièce vivante représentée dans une salle comble, le spectateur se rend compte que ce n’était qu’un rêve. Et que le pouvoir ne se trouve pas où on le croyait. « Un rat qui passe » joue sur le mensonge et le dédoublement des personnages. Ecrit entre 1975 et 1984 par la dramaturge hongroise Agota Kristof (décédée le 27 juillet 2011), « Un rat qui passe » étonne par l’universalité de son thème : le pouvoir totalitaire d’un régime. 

Le juge Bredumo doit, une fois de plus, mettre à mort plusieurs innocents. Pour échapper à cette décision qu’il ne se résout pas à prendre, il se laisse aller à un rêve qui le conduit à diverses étapes de sa vie, le temps d’une soirée. Tour à tour, il est Roll, le poète idéaliste, et Keb, le vieil homme meurtri. Dans ce rêve où il se donne le beau rôle, surgit un imprévu : Rat-le-salaud. Personne ne fait attention à un rat qui passe. Or, il peut devenir très nuisible. Dépravé, cynique et déluré, Rat-le-salaud est sûrement le personnage le plus drôle de la pièce. La souplesse et l’enthousiasme du jeu de Landry Nguetsa, le comédien, sont communicatifs. 

Sur la scène, l’espace est divisé en deux lieux dramatiques : le salon où M. et Mme Bredumo reçoivent un étrange couple d’amis (côté réaliste) et la prison où Roll, Rat et Kleb sont enfermés (côté métaphorique). L’action va alterner les deux lieux, mais aussi le passé et le présent, le réel et l’illusion et le dédoublement des personnages. Ainsi, l’épouse est aussi la prostituée, le poète idéaliste, le juge sanguinaire et le serviteur fidèle, le bourreau. 

La mise en scène de Valérie Sarrazin dévoile le masque que portent les personnages et qui représente leur face sociale, à travers une sculpture de Dieudonné Fokou. Dans la dernière scène qui tient lieu de prologue, le rêve prend fin et le juge retrouve la terrible réalité. Il se rend compte qu’il n’est pas le pouvoir, mais seulement son bras armé. Parce que « les hommes peuvent se tromper mais le parti, jamais », le juge, face à son dilemme, n’a pour porte de sortie que de refuser d’obéir. Enfermé dans un cul-de-sac, il continue à fuir sa propre réalité, cette fois, de manière définitive. 

La pièce, qui appelle à la désobéissance face à un pouvoir inique, a été présentée par la Cie Trait d’union. Créée en 2010 par Valérie Sarrazin, la compagnie a pour ambition de jeter un pont entre les cultures d’ici et d’ailleurs. « Un rat qui passe » est sa première création.
Stéphanie Dongmo

Fiche technique
Texte : Agota Kristof
Mise en scène : Valérie Sarrazin
Jeu : Ousmanou Sali, Edmond Bolo, Kevine Mleppe, Landry Nguetsa, Valérie Sarrazin, Steven Kagoumé
Régie : Steeve Zambo

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