La star du bikutsi parle de « La loi du talion », son dernier album, de la jalousie dont elle se dit victime et donne des conseils aux jeunes chanteurs. Par ailleurs, elle lance un appel au secours au ministre des Arts et de la Culture.
Lady Ponce. Photo Culturebene. |
Vous venez de passer deux mois en studio où vous avez à nouveau enregistré votre 4ème et dernier album, « La loi du talion », pourtant officiellement sorti en novembre 2011. Que s’est-il passé ?
Je ne sentais pas que l’album était fini. Mon manager, ma maison de production [Jps, Ndlr], mes communicateurs et tous les gens qui m’entourent ont trouvé qu’il était inachevé. Je voulais changer la première version. Nous avons trouvé nécessaire d’associer le savoir-faire de Bertrand Eba’a à celui de Christian Nguini. Maintenant, ce mélange donne une sono dont je suis satisfaite. Ce sont les mêmes instruments qui ont été utilisés mais, ils ont été touchés de manière différente par deux grands arrangeurs et programmateurs. Nous avons retouché quatre chansons : « Chéri coco », « Carrosserie », « Secouer » et « Amour et folie ». Nous avons aussi relancé la promotion de cette nouvelle version.
Quand est-ce que « La loi du talion » 2 sera disponible sur le marché?
On a terminé en studio. Cette nouvelle version sera disponible d’ici la fin du mois de février. Nous allons aussi tourner les clips des quatre morceaux que j’ai cités. Je donne rendez-vous à mes fans le 8 mars 2012 à la Ponce attitude [cabaret qu’elle a ouvert à Ekié à Yaoundé, Ndl] à partir de 20h. Après trois heures de spectacle, je serai au cabaret le Caroussel.
Vos trois albums précédents ont connu du succès. Pensez-vous que ce quatrième connaîtra le même sort ?
C’est Dieu qui choisit, il donne à qui il veut. Le peu que Dieu m’a donné est beaucoup. Si aujourd’hui, il choisit de ne plus me donner du succès et de se tourner vers quelqu’un d’autre, je lui dirai merci.
Comment vivez-vous votre succès ?
Je le vis grâce à des personnes qui m’entourent et tant pis pour les jaloux. Ma famille, ma belle-famille et mes vrais amis me supportent dans ce que je fais. Le succès apporte trop de problèmes. Les gens qui nous jalousent sont ceux qui n’ont jamais eu du succès. Ces gens qui prétendent être des artistes inventent des choses pour salir votre image. Après l’album «Bombe atomique », beaucoup sont venus vers moi pour lutter pour le bien de la culture camerounaise. Je croyais que c’était avec bon cœur. Or, ils venaient pour m’atteindre. Cette situation se vit surtout au milieu des femmes. Ce sont des personnes qui vivent avec une haine, une méchanceté et avec la frustration de n’avoir pas connu la réussite. Je demande aux jeunes artistes de faire très attention aux anciens qui n’ont jamais eu le succès et qui vont vers eux en prétendant les aider. Je leur dis : « Vous avez du potentiel. C’est Dieu qui donne le talent, aucun marabout ne donne le succès. Travaille et Dieu te récompensera. Le succès n’est pas sorcier ». Les Camerounais veulent écouter de bons textes, de belles mélodies. Les vrais artistes comme Sergeo Polo, Ben Decca, Grâce Decca, K-Tino et Petit Pays -qui pour moi, restera le number one- ne sont pas jaloux. Ce sont les gens qui n’ont jamais vendu dix Cds qui foutent le bordel dans nos maisons de droits d’auteur, parce qu’ils n’ont rien à perdre. Ils se foutent de nous et ne se demandent pas comment on va faire quand on va vieillir.
Vous donnez des conseils aux jeunes chanteurs. Quel regard portez-vous sur les nouvelles stars du bikutsi féminin?
Ce sont des artistes qui sont en train de valoriser le bikutsi en ce moment. J’ai connu Coco Argentée en France, par l’intermédiaire de mon manager. Elle a fait les premières parties de mes spectacles. Quand j’ai écouté son album, je lui ai dit qu’elle n’avait rien à y changer que ça allait très bien marcher au Cameroun. Je lui ai aussi de rentrer au pays faire la promotion de son travail. En décembre, je l’ai revue. On a joué à Ya-fe. Nous les artistes de la jeune génération avons apporté un esprit de galanterie au bikutsi, contrairement aux gens de l’ancienne époque. Déjà, on se respecte, on ne s’insulte pas. Je demande aux jeunes artistes de copier cet esprit que moi, Majoie Ayi, Aïjo Mamadou, Tonton Ebogo, Ama Pierrot et d’autres avons apporté, de travailler et de cultiver leur image. Ils n’ont pas intérêt à verser dans la vulgarité. Dans la musique, il faut savoir être humble sans se laisser marcher dessus. Il faut travailler son marketing.
Comment travaillez-vous votre marketing ?
J’ai trouvé l’encadrement chez Jps production. Je me suis entourée d’un manager comme Tchop Tchop et Guy Metang et de bons communicateurs comme Alain Boban, Serge Tamba, Tchop Tchop encore, Alain Dexter, Master Ivo, Alain George, Francis Liberal, Tatiana et Foly Dirane et Martinez Zogo.
Avec Martinez Zogo, vous vous êtes réconciliée alors après la dispute de 2010 à Magic Fm ?
Les animateurs, ce sont mes frères. Mais il m’est arrivé de me lever et de dire : « Aujourd’hui, on va se bagarrer ». Entre Martinez et moi, il ne faut pas mettre la bouche.
On dit de vous que vous êtes une artiste qui coûte cher…
Je travaille dur. Je suis à mon quatrième album. Le cinquième aussi est prêt. Je ne dors pas, c’est normal que je coûte cher. Là, je suis repartie en studio où j’ai repris quatre titres en deux mois. Je suis épuisée et quand tu t’épuises, tu te fanes. Chaque fois que je sors un album, il faut qu’il y ait un changement. Je mérite d’être payée à ma juste valeur. D’ailleurs, je vais poursuivre le maire de Mbalmayo. Il a, sans mon consentement, utilisé ma photo sur une affiche annonçant que je dois jouer aujourd’hui [10 février, Ndlr] à Mbalmayo. Nous, les artistes, avons toujours laissé les gens profiter de nous. Je passe des nuits blanches à travailler et les autres veulent en profiter. A ceux-là, je demande : « Où étiez-vous quand je commençais ? »
D’où tirez-vous le gros de vos revenus ? De la vente d’albums, des droits d’auteur ou des spectacles ?
Ce sont les spectacles qui rapportent le plus. Sur les droits d’auteur, je m’agenouille devant Mme la ministre Ama Tutu Muna et lui demande du fond du cœur de nous ramener la Cmc [Cameroon music corporation, Ndlr]. Je suis allée à la Sacem en France pour y adhérer, elle a rejeté le document de la Socam que j’ai présenté. Hors du Cameroun, on ne connaît pas la Socam. S’il vous plaît Mme la ministre, en tant que mère, ramenez-nous cette société déjà reconnue dans le monde entier qui nous faisait vivre et nous facilitait les voyages en Europe.
Vous êtes pourtant inscrite à la Socam où vous percevez régulièrement des droits d’auteur…
J’ai cru en la Socam au début. Elle m’a toujours donnée mes droits d’auteur. Mais, c’est une société qui n’a pas d’avenir. Ses percepteurs sont venus à la Ponce attitude nous demander de payer des droits d’auteur. J’ai l’impression que la Socam se croit au-dessus des lois. Elle collecte les droits d’auteur alors que, selon la Cour suprême, elle ne peut pas exercer. Si c’est Sam Mbende qui est le problème, son mandat est même déjà fini. Qu’on refasse les élections à la Cmc et Odile Ngaska pourra se présenter. A la Cmc, on m’expliquait ce qu’étaient les droits d’auteur et on me payait mes droits mécaniques. Cela n’a jamais été le cas à la Socam. Où est l’avenir de l’artiste dans cette maison qui, elle-même, n’a pas d’avenir ? Je veux que Mme la ministre arrange mon avenir, ma retraite après ce dur labeur. Quand je descends d’une scène, je suis une épave. Qu’en sera-t-il après ?
Vous parlez beaucoup de retraite. Pensez-vous vous retirer bientôt ?
Si je ne pense pas à ma retraite, cela veut dire que je ne pense pas à l’avenir. Je suis une mère de famille. J’épuise mon énergie dans des spectacles et dans des albums. Il faut voir à quoi les grands artistes comme Mbarga Soukouss ou Ange Ebogo Emerant sont réduits aujourd’hui. Je gagne bien ma vie en ce moment, mais demain, je vais vieillir et je n’aurai plus la force. Aujourd’hui, je sème, il faut que je récolte demain.
Vous êtes citée parmi les artistes chouchous de la Première dame. Quels sont vos rapports avec Chantal Biya ?
Je n’ai aucune relation particulière avec la Première dame. Elle a écouté « Le ventre et le bas-ventre » et m’a soutenue. Que ceux qui gèrent la culture la prennent en exemple. C’est une femme qui croit en la culture camerounaise. Cette dame est un ange. Elle m’a prise du bas et pour moi, ça dépassait tous les honneurs. Elle n’a pas de préférence, elle soutient tout le monde. Je suis sûre que ça lui fend le cœur d’apprendre que nous, artistes camerounais, n’avons pas de société de droits d’auteur. Que les gens reconnaissent qu’elle est venue enlever l’artiste de la boue et a fait en sorte qu’on le respecte. Avec Sergeo Polo, on prépare un album pour elle, c’est un cadeau à la maman.
Quand vous jetez un regard rétrospectif sur votre carrière, qu’est-ce qui fait votre fierté ?
La musique, c’est comme des escaliers. J’ai amené le bikutsi à un escalier plus haut. Lady Ponce est écoutée au-delà de l’Afrique centrale. Ma musique a été reprise par des Congolais qui chantent « ça là ». Maintenant, je sais que quelqu’un d’autre prendra le relais. Je suis très contente du travail que j’ai accompli. Je dis merci à tous les gens qui m’ont accompagnée. Il est temps que les artistes sachent que chacun apporte sa pierre à la construction d’une maison. Cela se fait en dehors de la calomnie. Tout ce que j’ai traversé comme trahison, injustice, m’a rendu plus forte. Aujourd’hui, c’est la loi du talion. Œil pour œil, dent pour dent.
Avez-vous des regrets ?
Le seul regret que j’ai, c’est de ne pas avoir dit au revoir à mon ami Eny Rosper Célestin qui est mort en prison. Il a toujours été là pour moi. Malgré la prison, il est resté positif, il était disponible et me donnait de très bons conseils. On l’a arrêté devant moi à la veillée d’Oncle Donald [animateur à Magic Fm mort en décembre 2009, Ndlr]. Je regrette d’avoir remis à demain la visite que je voulais lui rendre en prison, depuis deux mois que je suis là, puisque je ne le savais pas malade. J’ai tellement de choses que j’aurais voulu lui dire. Il connaît tout ce que j’ai eu à traverser comme chagrin d’amour. Il était là au moment où je ne croyais plus en moi, au moment où je ne croyais plus en l’amour.
Aujourd’hui, vous avez repris confiance en l’amour…
Jusqu’à mon dernier souffle, je croirai en l’amour. Je ne sors pas avec quelqu’un s’il ne fait pas battre mon cœur. Il est hors de question que je sois avec quelqu’un pour de l’argent. Toutes mes relations ont été par amour, même si elles n’ont jamais marché. Aujourd’hui, Dieu m’a amené une très grande stabilité affective, quelqu’un qui me soutient moralement. Il existe une complicité entre nous, il me fait entièrement confiance et n’est pas là à fouiller dans mon téléphone. Il faut savoir faire la part des choses. Ne jamais laisser ton homme te produire. Mon mari m’aide mais, avec des limites. Il est présent, mais il n’a jamais négocié un seul de mes contrats. C’est lui qui a eu l’idée de la création du site www.ladyponce.fr, sur lequel on peut acheter mes albums.
Etes-vous mariés ?
Nous ne sommes pas officiellement mariés, mais ça fait plus de deux ans que nous vivons une vraie histoire d’amour. Nous avons un fils qui est né le 1er mars 2011. Je suis enfin femme.
Qu’est-ce qui vous a amené à changer de look, à adopter ce tissage très long qui balaie le sol ?
Un jour, dans notre maison en France, je regardais de vieux films de Shaolin. Il y avait une femme dont tous les pouvoirs étaient contenus dans ses très longs cheveux. J’ai adopté cette coiffure. C’est mon look Shaolin. C’est du 200 [cm] et, je suis très à l’aise pour danser avec. Je peux les natter ou les laisser tomber. Il faut soigner son image. L’artiste est un mythe. Un artiste qui se disperse perd l’inspiration. L’art n’est pas un métier de voyou, c’est un métier de grandeur à prendre au sérieux. Vous, hommes des médias, revendez le rêve. Nos enfants ne lisent plus la presse, n’écoutent plus la radio de peur de tomber sur une radio où on dit des énormités, des gros mots, comme dit ma fille.
Si vos enfants n’écoutent plus la radio, écoutent-ils les chansons de bikutsi dans lesquelles se disent des obscénités ?
Je ne pense pas que mon bikutsi soit obscène. Je suis très diplomate. J’essaie de faire des clips que mes trois enfants puissent regarder. Je ne suis pas de ces chanteuses-là qui disent que le sexe a fait-ci, le sexe est entré là et, qui ont des succès éphémères. Il ne faut pas que les gens pensent que le bikutsi est devenu sexe. Même ailleurs, il y a des chanteurs de sexe. Certains le font avec galanterie, d’autres de manière vulgaire et sale. C’est pourquoi on dit qu’il y a des prostituées de luxe et des prostituées de bas-étage. Que ces gens qui veulent chanter l’obscénité le fassent avec classe et ne confondent pas les scènes. Il y a des tenues adaptées à chaque milieu. Je dis surtout aux femmes : « essayez quand même de vous vêtir. Les hommes cherchent leur voie, mais c’est à nous de les orienter. »
Lady Ponce se souvient-elle de la femme qu’elle était avant de devenir célèbre ?
Bien sûr. Je suis née à Mbalmayo un 24 juillet, mais mon village c’est Akono. J’ai achevé de grandir à Essos à Yaoundé, où se trouve ma maison familiale. J’ai abandonné mes études pour faire la musique. J’ai perdu ma mère au sortir de la puberté (à 16 ans) et quelque temps après, mon père, qui était un très grand acheteur de cacao. Nous étions 12 enfants, nous ne sommes plus que sept. Je suis la benjamine, mais aujourd’hui, c’est comme si c’était moi l’aînée car j’ai beaucoup de responsabilités. J’ai trois enfants. Le monde de la musique est un monde merveilleusement diabolique. Les gens racontent que j’étais la femme de Mongo Faya alors qu’à l’époque, je faisais encore pipi au lit. Dans mes chansons, j’exprime ce que j’ai vécu parce que je me souviens de mon enfance avec ma mère cantatrice. Je suis très poète, c’est le don que Dieu m’a fait. Au Cameroun, les gens oublient qu’il y a le régime polygamique. C’est pourquoi, je dis dans ma chanson « Carrosserie » : « laisse-moi jouer ma vie, Dieu va me juger. »
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo
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