dimanche 26 février 2012

Dorothée Dognon : « Pas de film de qualité produit au Bénin »


Le directeur de la cinématographie au Bénin fait l’état des lieux du cinéma dans son pays, à l’occasion d’une réunion organisée par le Cinéma numérique ambulant Afrique à Cotonou les 17 et 18 janvier 2012. 

Dorothée Dognon

Comment se porte le cinéma aujourd’hui au Bénin ?
Dans un pays où il n’y a aucune salle de cinéma, vous pouvez imaginer quel est l’état de  santé du cinéma. Au Bénin, on n’a pas de salle de cinéma mais on a quelques grands réalisateurs qui sont à l’étranger et qui font notre fierté. Mais, sur le plan national, on n’a pas de réalisateurs qui se démarquent. Il y a des anciens qui sont là mais qui ne tournent plus depuis plus de quinze ans maintenant. Il y a la nouvelle génération qui s’est développée avec l’avènement de la vidéo. Elle produit des choses qui manquent encore de qualité. Le plus important c’est cette volonté de cette nouvelle génération. Il n’y a aucun film de qualité produit au Bénin, mais environ vingt œuvres de vidéastes qui manquent de qualité.
 
Quelle est la politique cinématographique au Bénin ?
Il n’y a pas de cadre juridique parce que nous n’avons pas encore un code de la cinématographie ; il sera élaboré dans peu de temps. Le gouvernement a aussi mis en place un fonds d’aide autonome pour la culture, qui s’élève à un milliard de francs Cfa par an. Ce que je reproche aux artistes, c’est qu’ils ne font du saupoudrage avec cet argent. Moi, j’ai proposé que sur ce milliard, on utilise 600 millions pour produire un film de qualité cette année. L’année prochaine, en utilise la même somme pour produire une musique de qualité et ainsi de suite, suivant une programmation sur cinq ou six ans. Les gens disent qu’un milliard, ça ne suffit pas. Mais qu’est-ce qu’on fait du peu qu’on a donné là ? 

Quelle est la principale difficulté des cinéastes au Bénin ?
C’est la formation. Il existe une seule école privée de cinéma à Cotonou, l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (Isma). 

En dehors de ce fonds d’aide aux artistes qui vient d’être créé, quel est l’appui réel que le gouvernement béninois apporte au cinéma ?
Le gouvernement soutient des projets, à l’exemple du film de Sylvestre Amoussou [Trois pas en avant… les dessous de la corruption, Ndlr]. Moi, je voudrais que les professionnels du cinéma se regroupent, car on dit que l’union fait la force. La culture est reléguée au second rang, pas seulement au Bénin. Au Tchad, par exemple, Mahamat Saleh Haroun a fait un film qui a connu du succès [Un homme qui crie, Ndlr]. A partir de là, le gouvernement tchadien a commencé à s’intéresser au cinéma. Moi, je suis dans cette option-là. Je dis aux cinéastes : faisons quelque chose pour montrer que nous sommes là. Si les Béninois peuvent aller gagner le 1er prix au Fespaco, ils vont voir comment le gouvernement va mettre la main à la patte.

Est-ce qu’un cinéaste comme Sylvestre Amoussou, qui a eu un certain succès avec ses films, peut réussir à intéresser le gouvernement béninois au cinéma ?
Sylvestre gagne des prix, c’est vrai. Mais gagner le 1er prix de Yennenga, ce n’est pas la même chose que de gagner le 3ème prix. Et c’est ça que je voudrais faire comprendre aux cinéastes. A mon arrivée il y a presque un an à la direction de la cinématographie, j’ai réuni toutes les associations. On a signé une convention de co-production et on s’est dit que cette année, on va faire un seul film d’auteur. On a lancé un appel à scénario et on va sélectionner le plus porteur. Notre objectif est d’aller gagner le 1er prix de Yennenga. En ce moment-là, le gouvernement va changer. Nous sommes dans un pays où il y a des problèmes d’eau, de santé et d’éducation. Mais si les artistes peuvent montrer que le cinéma est le meilleur moyen de la diplomatie, le gouvernement va y investir un peu d’argent. Moi, je dis aux cinéastes de ne plus se plaindre du manque de moyens, qui est une réalité. Mais qu’ils se demandent comment faire pour arracher ces moyens. 

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

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