De g à d. Hazanavicius, Béjo et Dujardin. |
« The Artist » est entré dans l’histoire en remportant cinq statuettes dimanche soir à la cérémonie des Oscars à Hollywood : Meilleur film, Meilleur acteur (Jean Dujardin), Meilleur réalisateur (Michel Hazanavicius), Meilleure musique (Ludovic Bource) et Meilleur costume (Mark Bridges). Jamais un film français n’avait récolté autant de prix aux Oscars et jamais un acteur français n’y avait été récompensé. Déjà à sa sortie, le film a rencontré l’acclamation du public et de la critique qui lui prédisait alors un avenir aux Oscars. C’est fait ! A ce jour, « The Artist » a reçu plus de 50 distinctions dans le monde. Il a raflé à lui seul six prix aux Césars du cinéma français. Occasion pour moi de republier cette critique faite en octobre 2011, à la sortie du film en France.
Cinéma : Un silence qui vaut de l’or
The Artist, le film du Français Michel Hazanavicius, est sorti en France le 12 octobre 2011. Un clin d’œil de talent au cinéma muet des années 1920.
Une scène du film |
Michel Hazanavicius n’avait pas de mots assez forts pour raconter ses fantasmes de réalisateur. Alors, il a gardé le silence. « The Artist » (octobre 2011, 100 min), son dixième film, est en noir et blanc. Mieux, il est muet. Le film a du caractère. Il raconte les destins croisés de deux acteurs à Hollywood en 1927. George Valentin (Jean Dujardin) est un acteur muet à qui tout sourit. Peppy Miller (Bérénice Béjo) est une figurante qui le regarde avec des yeux d’amour. Leur relation va changer le jour où le cinéma parlant va entrer à Hollywood par la grande porte. George est mis au placard, tandis que Peppy monte, jusqu’à devenir la nouvelle coqueluche de Hollywood.
Le fossé qui se creuse de plus en plus entre George et Peppy est magnifiquement mis en scène par Michel Hazanavicius. Sur un plan d’une grande esthétique, ils se croisent dans un escalier. George, habillé d’un costume sombre, a le regard vague et le sourire crispé. Peppy, habillée de blanc, est placée en haut de l’escalier et le domine d’une tête. Eblouissante de beauté, elle est souriante et enthousiaste. Croquis du cinéma muet sur le déclin, qui emporte avec lui ses rêves et ses stars, tandis que le cinéma parlant, tout nouveau et donc tout beau, a son avenir devant lui. George va passer par trois étapes : la gloire, la chute et la rédemption, car il sera sauvé par l’amour.
Ambitieux
Ces étapes sont aussi celles du cinéma muet, à qui le réalisateur et scénariste donne aujourd’hui une certaine renaissance. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, le long métrage dépasse l’âge d’or du cinéma muet pour se tourner vers la réinvention du 7e art. Parce que « The Artist » est un drame mais aussi une romance, le réalisateur lui a donné une belle fin. La parole est retrouvée pour exprimer l’amour qui s’épanouit. Michel Hazanavicius a écrit son film pour Jean Dujardin, avec qui il avait déjà travaillé dans la série des films d’espionnage « OSS 117 » (où il pastichait James Bond), et Bérénice Béjo, sa compagne. Les deux acteurs n’ont plus eu qu’à enfiler leurs rôles, qui leur vont au demeurant comme un gant.
Tourné à Hollywood dans les studios de la Warner, « The Artist » allie la vivacité américaine à l’élégance française. Le tout, savamment accompagné par la musique pré enregistrée de Ludovic Bource. L’ambiance, qui baigne dans le whisky et le cigare, donne à ce long métrage des airs de la série américaine « Mad Men ». Les expressions comiques de Jean Dujardin rappellent celles de Charlie Chaplin, le héros du cinéma muet. « The Artist » est un patchwork de quelques classiques hollywoodiens (« Chansons sous la pluie » de Stanley Donen, « L’heure suprême » de Franck Borzage). En 2011, Michel Hazanavicius a réussi le pari de rendre l’atmosphère des films muets, avec le rythme et la musique. Ambitieux, talentueux. En dépit de tout ce qui fait qu’un film est apprécié ou non, « The Artist » mérite d’être salué pour le culot du projet.
Stéphanie Dongmo, à Paris
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